mardi 21 novembre 2006

La note de vie scolaire

Jamais à cours d'idées, le ministère de l'éducation nationale a inventé la note de vis scolaire.

- Article 1 - Il est ajouté , après l’article 4 du décret du 29 mai 1996 susvisé, un article 4-1 ainsi rédigé : "Art. 4-1 - Une note de vie scolaire est attribuée aux élèves de la classe de sixième à la classe de troisième des établissements relevant du ministère de l’éducation nationale. Cette note mesure l’assiduité de l’élève et son respect des dispositions du règlement intérieur. Elle prend également en compte sa participation à la vie de l’établissement et aux activités organisées ou reconnues par l’établissement. Elle est attribuée par le chef d’établissement sur proposition du professeur principal de la classe et après avis du conseiller principal d’éducation. Un arrêté du ministre de l’éducation nationale précise, en tant que de besoin, les conditions d’attribution de la note de vie scolaire."
[...]

Fait à Paris, le 10 mai 2006 Dominique de VILLEPIN Par le Premier ministre : Le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche Gilles de ROBIEN



Il y a beaucoup à dire à propos de cette sinistre note. Essentiellement qu'elle est profondément injuste au sein d'un établissement et même au niveau national. Le diplôme du brevêt qui se veut un diplôme national prend en compte, grâce au contrôle continu, une note "maison" que chaque établissement peut ajuster à sa guise...

Aucune directive du ministère n'impose de fourchette de note ni de barême précis pour celle-ci. D'où une injustice selon l'établissement où l'on est élève. Certains établissement ont d'ores et déjà choisi de mettre 20/20 à tout le monde. D'autres jouent le jeu et se fixent des règles "maison" pour pallier à l'absence d'un barême national.

Le principal de mon établissement a eu un discours très instructif sur les dérives possibles grâce à cette note de vie scolaire.

Il a d'abord précisé que les chefs d'établissement du bassin (comprenez les chefs d'établissement d'un même secteur au sein de l'académie) s'étaient réunis pour établir un barême commun.

Dans la mesure où de bonnes notes de vie scolaire dans un établissement sont le signe d'élèves assidus, respecteux du règlement intérieur et investis dans la vie de leur établissement, je me dit qu'ils ont tout intérêt à ce que ces notes soient bonnes. Je ne vois pas un chef d'établissement se tirer une balle dans le pied en mettant une note minable aux élèves difficiles...

D'ailleurs, pour mon chef, la fourchette de note se situe entre 14 et 18.

Le 14 me gène. Un élève difficile, qui n'en fout pas une à l'école et est régulièrement avertit ou renvoyé peut obtenir avec cette note de vie scolaire la meilleure de toute sa scolarité. Un comble. Quelle est la pédagogie dans une telle situation ? Il ne verra pas qu'il a la plus basse note possible, il va simplement voir qu'il a la moyenne... qu'on vienne me bassiner encore avec la formation des citoyens de demains dans ma classe après ça.

Le 18 me gène aussi. Par peur d'éxagérer, peut être, mon chef estime qu'aucun élève ne peut avoir 20/20. Pourtant, des élèves travailleurs, doués et civilisés, on en a tous. Ils ne mériteraient pas 20/20 ceux-là ? En plus d'être de bons élèves il faudrait qu'ils montent des associations pour financer un puit au Sahel ? Etre bon élève c'est un travail à temps plein. Quelqu'un s'est penché sur l'emploi du temps d'un élève de collège dernièrement ? Je fini avec le cas d'une élève d'un collège voisin. Une habituée des bonnes notes. Pour son premier trimestre de troisième elle obtient un joli 18,5/20 de moyenne générale. Sa note de vie scolaire ? 18/20, le maximum de son établissement. Comment ça ? Sa moyenne générale devrait baisser "à cause" de cette note de vie scolaire ? Où va-t-on ?

Au final, cette note de vie scolaire récompense les mauvais élèves et dit aux bons élèves "Peux mieux faire !". Où on va comme ça ?

Mais le meilleur est pour la fin... Mon cher chef précise qu'en plus de cette fourchette de 14/18 (ça hérisse le poil des collègues d'histoire... la guerre de 14-18... les poilus... je sort...) il faut aussi obtenir une moyenne des notes de vie scolaire de 16. Oui, notre cher chef estime que notre établissement n'a pas de soucis majeur et qu'il a droit à 16/20.

Si vous avez bien lu, il est demandé au professeur principal de réunir son équipe pédagogique pour mettre au point, ensemble, une note pour chaque élève. Sur des critères qui sont extérieurs à leur cours, bien sûr.

Après quoi, le CPE donne son avis. Il est évident que le CPE ne va pas regarder à la loupe toutes les notes... Si une équipe pédagogique a une classe à charge, le CPE , lui, a tout l'établissement. Mais au moins elle passe entre ses mains, car c'est tout de même une note de "vie scolaire".

Et, enfin, le grand chef arrive avec sa fourchette et sa moyenne et décide seul, au final, de la note à donner. Comme si le restaurant du coin se donnait lui-même les 4 étoiles.

Les parents que vous êtes trouvez peut-être cette note de vie scolaire comme un progrès, mais j'éspère vous avoir donné les éléments pour réfléchir autrement aux problèmes liés à cette note.

Et j'éspère surtout que si votre enfant n'a pas 20/20 vous allez réclamer les critères concernant cette fameuse note.

en tout cas, le professeur principal de troisième que je suis, ne proposera pas de note. Si la moyenne et la fourchette sont imposées je ne vois pas l'intérêt d'embêter mes collègues avec ça. Que mon chef fasse sa sauce.

J'ai pris mon établissement pour exemple mais les dérives sont peut être plus affligeantes ailleurs.

Et j'en reviens au brevêt des collèges. Avec ces injustices qui ne manqueront pas d'apparaitrent au niveau national, peut-on encore parler de diplôme national ?

mardi 14 novembre 2006

La politique et l'éducation...

... tout un programme.

Voici un lien vers une vidéo que je me garderais de commenter.

Ma pire soirée...

Un soir de réunion parents-prof. J'ai vu les 48 parents des 24 élèves de la classe... Ah non, une dame est encore là avec son fils.
Je les fait entrer. Mon sourire ne doit plus ressembler à rien mais depuis le temps qu'ils attendent je ne peux pas leur montrer que j'en ai ras le bol. Mes filles sont sûrement couchées à l'heure qu'il est et je n'ai pas eu droit à mes calins, mes bisous et tout le rituel du soir. Allez, plus qu'eux !!!
Ils s'installent en face de moi. Pas un mot. Malaise.
Au bout de trente seconde de blanc, le gamin prend la parole... vu le bavard que c'est en classe, trentre secondes sans parler c'est un record pour lui. Je note ce record pour mémoire.
Il n'a pas le temps de finir sa phrase que sa mère, qui n'est donc pas muette, le coupe d'un :
"Attends nous dehors !"
Lui, il résiste à peine et se lève en marmonnant je ne sais quoi. Je suis fasciné. Il sort et ferme la porte.
Je me retrouve donc seul avec elle et je me dis qu'elle n'a pas un air rassurant à y regarder de prêt.
Ses cheveux ? Ses mains croisées sur les genous ? Non. Ses yeux... Elle n'a fait que me regarder dans le blanc des yeux depuis son entrée il y a une minute. Une éternité. Elle a cligné des yeux ?
Re-blanc... un peu plus long. Je me dis que c'est une blague, on dirait qu'elle joue.
Et puis finalement, en y regardant mieux, je comprend ce qui se passe. Elle pleure.
Quand elle voit que j'ai vu elle s'adresse enfin à moi. D'un air théatral elle me dit... quelque chose que je ne comprend pas.
Là, je rigole intérieurement, faire autant de cinéma pour se planter à la fin c'est dommage. En plus, on a eu une discussion sympathique avec des parents juste avant. J'était bien détendu.
Elle a raté son effet, j'ai pas compris un traitre mot de ce qu'elle a dit. Bon, je garde mon sérieux et je lui fait répéter.
"Quand je l'attendais j'étais alcoolisée !"
Elle a bu en l'attendant où ? Quoi ? Hein ?
Elle répète la même chose. Je comprend que j'ai intérêt à comprendre ce qu'elle vient de dire.
Jusqu'à présent ça manquait de rythme. Mais ensuite tout s'enchaine, tout d'un coup je comprend, je réalise qu'elle me dit qu'elle buvait en étant enceinte et en même temps je vois la tête de son fils par la porte.
Il revient s'assoir.
Elle me dit qu'elle fumait aussi, après tout elle est lancée elle a raison de pas s'arrêter là.
Bon, vu la tête qu'il me fait, il ne le découvre pas ce soir, c'est déjà ça... Je réalise qu'il le sait et que manifestement sa mère en parle à qui veut l'entendre.
Franchement, est-ce que moi, son prof de math, j'ai à savoir ça ? Je ne pense pas. Personne, à part le médecin scolaire d'ailleurs.
Mais surtout, est-ce que le gamin a besoin de le savoir ?
Du coup, je me sens obligé de la rassurer alors que je voulais un peu avoiner le gamin qui passe son temps à bavarder.
Bref, je fais de mon mieux entre l'envie de la mettre dehors et celui de la rassurer pour finalement l'expédier pitoyablement mais gentiement.

Le lendemain, je n'ai pas regardé le gamin avec le même regard. Ce n'est pas que je doute de ses capacités intellectuelles après cette histoire. Mais je me dis que certains gamins ne devraient pas avoir à vivre avec les fautes de leurs parents sur les épaules.

Les autres parents...

Après, il existe toute sorte de parents et d'élèves entre les deux extrêmes.
Parfois très sympathiques, parfois moins, parfois dépassés, parfois impliqués et parfois dans des situations si dramatiques qu'ils se sentent obligés de m'en parler.
Je dois avoir la tête à ça...

Morceaux choisis.

Les parents du mauvais élève

Ceux là, c'est généralement ceux qu'on aimerait voir pour leur expliquer deux trois petites choses mais qui ne viennent pas souvent.
Bon, mauvais élève c'est gentil pour désigner le petit monstre qui, bien sûr, ne fait pas son travail, bavarde sans arrêt en classe et se retourne en devoir, et j'en passe. On aura l'occasion d'en étudier des spéciments plus tard.
J'ai mis quelques mots dans le carnet mais les parents se contentent de signer sans jamais répondre (quand c'est pas Kevin qui signe) et Kévin continue de faire... le Kevin.
Je convoque les parents, un bien grand mot... je les invite à venir en discuter avec moi. Croyez le ou pas, certains refusent de venir. Pour les plus honnêtes, ils ne donnent pas de raison particulière et me laissent deviner qu'ils n'éspèrent pas que la rencontre va changer grand chose. Pour les moins honnêtes, on a droit à toutes les excuses qu'on peut entendre dans la bouche d'un élève... l'effort est louable. Ils ne veulent pas me faire de peine, et préfèrent me laisser croire que je peux faire quelque chose pour le monstre.
Au final, je me dit que la réunion parents-prof sera l'occasion de les voir. Ah... non.
Remarquez, si Kevin embête les autres en classe, ça fait vite le tour des parents de la classe et les parents de Kevin ont pas spécialement envie de venir écouter les critiques du prof et des parents des autres élèves.

La parade du chef d'établissement est simple. On n'envoie pas les bulletins scolaires aux parents par courrier, il faut venir le chercher le soir de la réunion. Sinon, il faudra se déplacer exprès en journée pour venir le réclamer au secrétariat au risque de tomber sur le principal.

Les lendemains de réunion sont un ballet ininterrompu de parents pressés et un peu grognons auprès de la secrétaire de direction qui gère ça avec son éternel sourire.

Les parents du bon élève

C'est bien avec eux. Les compliments sont agréables à entendre. Y a qu'à voir Julie qui se tortille sur sa chaise quand je dis à ses parents qu'elle participe bien, qu'elle a des capacités, que c'est une élève moteur de la classe.
Tout va bien. Rien à dire de plus, je vous remercie, aurevoir.
Mais c'est oublier que les parents ne sont pas venus pour ça. Nonnnnnnnnn.

Ils sont là pour parler de leur fille.

Dans le meilleur des cas, c'est pour me parler d'orientation. Elle veut être avocate ou je ne sais quoi, vous en pensez quoi ? Ses notes en maths sont suffisantes ?
Je ne suis pas COP (conseiller d'orientation psychologue), je suis prof de maths, mais j'essaye de répondre gentiement que c'est peut être trop tôt pour parler d'orientation pour être avocate. Mais que si elle continue à travailler comme ça en maths et dans toutes les matières, pourquoi pas ? Ils sont rassurés et je peux faire rentrer les parents suivants.

Mais parfois c'est pour me parler de complètement n'importe quoi. J'apprend que Julie fait de tel instrument, qu'elle est dans tel club de danse, etc. Ou alors la séquence nostalgie avec une retrospective de tous ses anciens professeurs, du primaire au collège, avec qui d'ailleurs ça se passait merveilleusement bien aussi. J'imagine les rencontres et je les plaints. Mais eux ont un avantage sur moi, ils avaient une rétrospective moins longue. Mais qu'est-ce que je m'en fiche. Tout ce qui m'interesse c'est qu'elle fasse le travail que je lui demande, qu'elle participe en classe et qu'à la fin de l'année elle ait appris ce qu'elle doit apprendre, pourquoi pas un peu plus. Je suis content de la voir évoluer dans la classe tout au long de l'année, mais une fois chez elle elle peut faire ce qu'elle a envie, je m'en fiche comme de ma première craie.

La réunion parents-prof vue par le prof

Il est 17 heures et j'ai eu une bonne journée de travail. Dehors c'est le froid, et je rêve de mes chaussons bien chaud, de mon canapé avec la télécommande coincée dans les coussins.
Argh !!! Non, j'avais oublié... la réunion parents-prof.
Flute de zut, c'était franchement pas le soir. En plus, les 4° n'en foutent pas une en ce moment je vais devoir faire le pénible et en remettre une couche sur le travail à la maison.
Bon, allez, mais ils ont pas intérêt à s'éterniser.
Un coup d'oeil par la fenêtre... vu le nombre de voitures sur le parking, je sens déjà que ça va me prendre la soirée.
Je me laisse guider par l'odeur du café en maudissant le principal adjoint qui m'a collé une salle si loin de la salle des profs. Et pas manqué, une quinzaine de collègues sont déjà devant la machine à café. Tant pis pour le café, les parents commencent à monter. Ca promet...
Les premiers arrivés jettent un oeil rapide quand je passe pour voir ma tête. J'entends même les élèves dire à leurs parents "Regarde mon prof !", à peine chuchoté. Charmant !
Je pose mes affaires, je met deux trois chaises devant le bureau et je respire un grand coup.
j'avance vers la porte la main tendue et j'invite les premiers à rentrer.