mardi 14 novembre 2006

Ma pire soirée...

Un soir de réunion parents-prof. J'ai vu les 48 parents des 24 élèves de la classe... Ah non, une dame est encore là avec son fils.
Je les fait entrer. Mon sourire ne doit plus ressembler à rien mais depuis le temps qu'ils attendent je ne peux pas leur montrer que j'en ai ras le bol. Mes filles sont sûrement couchées à l'heure qu'il est et je n'ai pas eu droit à mes calins, mes bisous et tout le rituel du soir. Allez, plus qu'eux !!!
Ils s'installent en face de moi. Pas un mot. Malaise.
Au bout de trente seconde de blanc, le gamin prend la parole... vu le bavard que c'est en classe, trentre secondes sans parler c'est un record pour lui. Je note ce record pour mémoire.
Il n'a pas le temps de finir sa phrase que sa mère, qui n'est donc pas muette, le coupe d'un :
"Attends nous dehors !"
Lui, il résiste à peine et se lève en marmonnant je ne sais quoi. Je suis fasciné. Il sort et ferme la porte.
Je me retrouve donc seul avec elle et je me dis qu'elle n'a pas un air rassurant à y regarder de prêt.
Ses cheveux ? Ses mains croisées sur les genous ? Non. Ses yeux... Elle n'a fait que me regarder dans le blanc des yeux depuis son entrée il y a une minute. Une éternité. Elle a cligné des yeux ?
Re-blanc... un peu plus long. Je me dis que c'est une blague, on dirait qu'elle joue.
Et puis finalement, en y regardant mieux, je comprend ce qui se passe. Elle pleure.
Quand elle voit que j'ai vu elle s'adresse enfin à moi. D'un air théatral elle me dit... quelque chose que je ne comprend pas.
Là, je rigole intérieurement, faire autant de cinéma pour se planter à la fin c'est dommage. En plus, on a eu une discussion sympathique avec des parents juste avant. J'était bien détendu.
Elle a raté son effet, j'ai pas compris un traitre mot de ce qu'elle a dit. Bon, je garde mon sérieux et je lui fait répéter.
"Quand je l'attendais j'étais alcoolisée !"
Elle a bu en l'attendant où ? Quoi ? Hein ?
Elle répète la même chose. Je comprend que j'ai intérêt à comprendre ce qu'elle vient de dire.
Jusqu'à présent ça manquait de rythme. Mais ensuite tout s'enchaine, tout d'un coup je comprend, je réalise qu'elle me dit qu'elle buvait en étant enceinte et en même temps je vois la tête de son fils par la porte.
Il revient s'assoir.
Elle me dit qu'elle fumait aussi, après tout elle est lancée elle a raison de pas s'arrêter là.
Bon, vu la tête qu'il me fait, il ne le découvre pas ce soir, c'est déjà ça... Je réalise qu'il le sait et que manifestement sa mère en parle à qui veut l'entendre.
Franchement, est-ce que moi, son prof de math, j'ai à savoir ça ? Je ne pense pas. Personne, à part le médecin scolaire d'ailleurs.
Mais surtout, est-ce que le gamin a besoin de le savoir ?
Du coup, je me sens obligé de la rassurer alors que je voulais un peu avoiner le gamin qui passe son temps à bavarder.
Bref, je fais de mon mieux entre l'envie de la mettre dehors et celui de la rassurer pour finalement l'expédier pitoyablement mais gentiement.

Le lendemain, je n'ai pas regardé le gamin avec le même regard. Ce n'est pas que je doute de ses capacités intellectuelles après cette histoire. Mais je me dis que certains gamins ne devraient pas avoir à vivre avec les fautes de leurs parents sur les épaules.

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